L’influence des maîtres de l’Art nouveau

Lorsque Strauven entame ses études d’architecture en 1892, c’est la grande époque de l’éclectisme. À l’école Saint-Luc, il est formé aux styles historicistes, et notamment à l’architecture néogothique, dont le vocabulaire s’imprimera durablement dans son imaginaire

Quand le jeune architecte quitte l’école, en 1896, l’Art nouveau est en marche et Victor Horta au sommet de sa créativité. C’est l’époque des grands projets de la Maison du Peuple et de l’hôtel van Eetvelde, auxquels Strauven participe en tant que dessinateur. Il ressort profondément marqué par ses deux ans de stage dans l’atelier du maître, qu’il remercie d’ailleurs pour la qualité de la formation qu’il y a reçue dans une lettre envoyée depuis Zurich en 1898.

Si l’on retrouve dans les réalisations de Strauven de nombreux thèmes directement inspirés de l’œuvre de Horta, il ne s’agit toutefois jamais de plagiat. Dessinateur virtuose, l’architecte développe une ligne toute personnelle, guidée par une inventivité exacerbée.

Le principal héritage du maître réside sans doute dans l’importance de la rationalité constructive, inspirée par l’art néogothique tel que prôné par Eugène Viollet-le-Duc et calquée sur les structures présentes dans la nature. La conception de l’ornement non comme un décor gratuit mais comme découlant logiquement d’une fonction, fait naître sous le crayon de Horta un langage végétal fait d’arabesques de lianes et d’enroulements, un langage qui trouve chez Strauven un écho tout particulier.

Si Horta dit préférer la tige à la fleur, Strauven pousse encore plus loin l’abstraction de la référence végétale, comme en témoigne le commentaire d’un critique sur un projet d’éclairage en fer forgé dessiné par l’architecte en 1898 : « Parfaitement constructif et pratique, ce projet, qui répond bien à sa destination, met à contribution les ressources du fer forgé, vers lequel d’ailleurs l’auteur semble spécialement attiré et dont l’influence se retrouve dans maint de ses projets. Peut-être, pourtant, aimerions-nous mieux le voir s’inspirer plus directement de la flore, au lieu de lignes uniquement chimériques ».

Outre l’influence de Horta, on peut également déceler chez Strauven celle, directe ou indirecte, de Paul Hankar. L’œuvre de ce dernier est à la fois plus marquée par l’éclectisme, notamment dans son utilisation de la brique, et plus influencée par l’orientalisme, comme en témoigne entre autres sa prédilection pour les baies à arc outrepassé.

Chez Strauven, les jeux chromatiques de briques sont une constante, tout comme les arcs d’inspiration mauresque. La ligne de Hankar a en outre dû séduire l’architecte, comme en témoignent les châssis de la maison de Saint Cyr, dont la nervosité rappelle le dessin de nombreuses boiseries chez Hankar.

 

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